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ecrans partagés d'olivier e. huit millions de façons d'aimer le cinéma classique hollywoodien aller au contenu accueil a la trappe! fun and games ← articles plus anciens entretien avec alfred eibel à propos de « fritz lang ou le dernier bond du tigre » publié le 14 octobre 2017 par olivier eyquem q – à quand remontent vos premiers contacts avec fritz lang ? a – cela débuta par une lettre où j’exprimais mon désir de lui consacrer un livre qui se composerait d’entretiens et de documents rares datant aux années vingt. lang m’a répondu qu’un tel projet lui semblait inutile car luc moullet venait publier son « fritz lang » chez seghers. j’ai donc provisoirement laissé tomber … un mois plus tard, lang m’invita dans un grand hôtel parisien, pour me dire qu’il était finalement tenté par l’idée de réunir une série documents anciens et rares. il s’est offert à m’en fournir lui-même certains, « qui donneraient à ce livre une incontestable originalité ». à partir de là, nous avons eu une série d’entretiens. q – quelle était la tonalité de ces échanges ? a – assez formelle, au début. après un premier envoi de documents allemands que j’avais réunis, lang m’aida à en trouver d’autres et me permit de prendre contact avec des témoins de l’époque allemande. nos premières lettres étaient purement « business ». il me donnait du « monsieur eibel » et se montrait volontiers autoritaire, voire cassant : « vous ferez ainsi, et pas autrement ! ». heureusement, lang s’est piqué au jeu. il trouvait toujours du nouveau à ajouter à ce livre, signe de l’intérêt qu’il y prenait ; cet ouvrage est autant le sien que le mien. q – vous avez eu avec lui des rapports « privilégiés », surtout par comparaison avec ce qu’endurèrent certains critiques, dont la pauvre lotte eisner… a –le fait que lui et moi fussions natifs de vienne à pu jouer, ainsi que le fait qu’il me considérait comme un adolescent timide, trop fragile pour le contredire. cela l’incitait à être très directif à mon égard, ce qu’il n’aurait pas fait avec quelqu’un de plus assuré. madame eisner avait, comme moi, l’avantage de parler allemand, mais elle se livrait à certaines interprétations du cinéma langien que celui-ci réfutait sèchement : « tu n’as rien compris, ce n’est pas du tout ça », et comme elle revenait sans cesse sur « les trois lumières », il a fini par lui lancer « j’ai aussi fait d’autres films ! » lang n’était pas très agréable, avec quelque critique que ce soit. je me souviens qu’il envoya bouler deux jeunes pleins de bonne volonté, en leur disant « vous ne savez pas comment j’organise (zerlege) ma mise en scène », ce qui coupa court au dialogue. q – était-ce un rejet « de circonstance » ou un refus de livrer les « clés » de son œuvre ? a – à mon avis, c’était un rejet de principe, car j’ai assisté deux fois au même genre de scène. une fois, il entra en fureur parce qu’un de nos critique avait cru voir dans le pied-bot du diabolique dr. mabuse une projection de lang. a posteriori, il me semble que cette interprétation mérite d’être prise en considération, car on trouve dans l’œuvre de lang de nombreuses projections de sa propre personnalité, dans des contextes très divers. il y a, par exemple, une dimension voyeuriste dans son cinéma, qu’on retrouve dans sa curiosité omnivore à l’égard des gens qu’il croisait dans la vie. se comparant volontiers à un cyclope collant son œil aux serrures, il voulait tout savoir des autres, jusqu’à leurs activités sexuelles. des détails a priori insignifiants le fascinaient. q – vous citez une phrase de lang qui me fait beaucoup rire : « ich bin ein amerikaner » a – chaque fois que lang se rendait à l’étranger, les gens croyaient bon de lui rappeler son passé viennois. il n’appréciait pas cela, il répétait : « non, je ne suis pas autrichien, je suis américain ». q – s’est-il réellement « assimilé » à la culture et à la société américaines? a – non, je ne le pense pas. je le sens profondément marqué par la culture autrichienne, par la psychanalyse… il a traîné toute sa vie un carcan rigide, propre à cette société austro-hongroise où vous vous sentiez perpétuellement surveillé, observé par les autres. l’humour viennois lui était en revanche parfaitement étranger resté très germanique, lang ne fréquentait quasiment que des émigrés. je n’ai jamais vu le moindre américain chez lui. il ne frayait pas avec les réalisateurs américains ou expatriés, et je ne suis pas sûr qu’il ait jamais rencontré wilder ou preminger. c’était un homme profondément solitaire, qui n’entretenait pas la moindre connivence avec le monde hollywoodien. il ne parlait jamais d’autres réalisateurs, ne comprenait pas pourquoi godard lui avait demandé certaines choses sur le mépris… q – en dehors du couple joan bennett-walter wanger (ses partenaires d’un temps au sein de la société diana), eut-il jamais des alliés sûrs ? a – il s’entendait très bien avec edward g. robinson, avec george sanders, avec dan seymour, mais je ne l’ai jamais entendu parler d’autres acteurs avec lesquels il aurait aimé tourner. quand j’étais chez lui, j’avais l’impression d’être coupé du monde, et à nouveau immergé dans un milieu d’émigrés, alors que j’espérais découvrir l’amérique. q – avait-il une curiosité à l’égard du cinéma américain ? a – il avait une vaste collection de livres sur l’ouest américain, il pensait qu’en explorant ces contrées, en y tournant, il deviendrait lui-même « ein amerikaner »… ses trois westerns ne m’ont pas convaincu. q – quelle ambiance régnait dans sa maison californienne ? a – une ambiance étouffante. avec sa compagne, madame latté, il avait des rapports très tendus, notamment pour de basses questions d’argent. ils faisaient le soir des comptes d’apothicaire… je me suis senti à l’étroit dans ce monde. q – à quoi ressemblait cette villa ? a – elle était de dimensions et de style classiques, très dépouillée, sans aucune fioriture, avec un mobilier mexicain aux contours rectilignes. c’était aussi austère qu’un plan d’architecte. cela tenait peut-être aussi au fait que lang avait alors un train de vie beaucoup plus modeste.il n’y avait rien qui puisse donner la moindre chaleur au salon, il n’y avait pas de piscine. je pense que madame latté a dû le pousser vers cette austérité, car elle avait un grand ascendant sur lui.c’était d’ailleurs une femme extrêmement désagréable, face à laquelle il se comportait en petit garçon. q – était-elle plus jeune que lui ? a – d’une dizaine ou d’une quinzaine d’années, je pense. ils se connaissaient depuis l’allemagne. elle avait perdu son mari dans des circonstances que j’ignore, et je n’ai jamais su comment lang et elle s’étaient retrouvés en amérique. il y a chez lui un goût du secret qui rendait très difficile l’évocation de sa vie privée. q – ce fut une longue liaison… a – oui, mais discontinue. je parlerais d’ailleurs plutôt de compagnonnage. je ne pense qu’il éprouvait un vif désir pour madame latté. il aurait sûrement préféré gloria grahame. lorsque je l’ai côtoyé, il ne voyait que des prostituées de haut vol. cela explique peut-être aussi ses problèmes financiers. q – avait-il un « vice » particulier ? a- rien, en dehors de ce « faible » qui révoltait madame latté… c’était un auteur de série noire, assez doué, steve fisher, qui lui donnait des adresses… au bout d’une quinzaine de jours, lang, m’a dit « il faut absolument que vous rencontriez une femme. laissez-moi faire, je vais vous arranger ça. » je ne pouvais pas dire non, ni lui demander combien cela coûterait ! et, effectivement, il m’a mis entre les mains d’une somptueuse « créature », sortie tout droit d’un roman. après, il m’a félicité et m’a demandé si tout s’était bien passé. il était entouré d’un essaim de call-girls qui prenaient régulièrement de ses nouvelles. l’une d’elles, faute d’être informée de sa mort, demandé à lui parler, et tomba sur madame latté : « non, fritz n’est pas là, il est mort, et vous n’êtes qu’une pute! ». ce dragon le surveillait tout le temps, y compris financièrement. q – lang ét